Les éditions de Montsouris – Brève histoire d’une maison d’édition Française

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Les Editions de Montsouris publiaient, en 1880, deux hebdomadaires : La Mode française et Le Petit Echo de la mode. Créés en 1878 et en 1879, et tirant respectivement à 5000 et 8000 exemplaires, ces deux magazines se retrouvaient déficitaires. C’est alors qu’un jeune sénateur des Côtes-du- Nord, Charles Huon de Penanster, en devient acquéreur en janvier 1880 avec pour but de lancer un genre nouveau : le magazine féminin et familial.

Les éditions de Montsouris à la conquête des illustrés

Très vite, La Mode française passe à 8.000 exemplaires, Le Petit Echo de la mode à 19.000, grâce à un réseau de messagerie dynamique et des ventes avec prime. Une pseudo rédactrice est inventée, la baronne de Clessy dont le titre nobiliaire rassure. Dès 1887, Le Petit Echo de la mode dépasse les 100.0 exemplaires, bondit à 210.000 en 1893 et atteint les 300.000 en 1900.

Entre­temps, la hausse constante du tirage conduit M. de Penanster et son associé, M. Ferré, à devenir leur propre imprimeur. En 1895, la première rotative du format double colombier est installée, ainsi que des ateliers de composi­tion, de clicherie, de coloriage. Bientôt, l’impri­merie travaille pour l’extérieur, entre autres La Veillée des chaumières et le catalogue des Galeries Lafayette.

Mais les ateliers deviennent bien vite trop étroits et un terrain de 4.000 m2 est acheté face au parc Montsouris, en avril 1901, où l’on construit immeuble et entrepôts. A la mort de M. de Penanster, en 1 902, l’affaire est mise en société anonyme et l’expansion conti­nue avec M. Ferré comme président. En 1910, le personnel atteint 477 ouvriers et employés, Le Petit Echo de la mode possédant 3000 correspondants chargés de sa diffusion. Le tirage atteint alors 400.000 exemplaires. Pen­dant la Grande guerre, on publiera même Le Petit Echo de la campagne, témoignage sur la vie des poilus.

Enfin, en 1920, l’entreprise s’intéresse aux journaux d’enfants, qui était sous la mainmise jusque-là par la puissante maison Offenstadt. Mais l’on éditera des illustrés dans un style familial et bien pen­sant, M. Léon Berteaux, directeur honoraire de La Croix ayant d’ailleurs été nommé adminis­trateur délégué après la guerre.

Guignol voit le jour en octobre 1920, pour les garçons (après un essai manqué d’une première série introuvable, même à la BN, pro­bablement en 1919), bientôt suivi de Lisette, pour les fillettes, le 17 juillet 1921, journaux où des noms d’allure nobiliaire, en général bre­tons, continueront à signer des textes édifiants pour rassurer les familles.

En 1922, le petit-fils du fondateur, Charles-Albert de Penanster, succède à son père, décédé prématurément et va rester 42 années à la tête de la maison. Le 27 décembre 1925, les éditions de Montsouris lancent Pierrot qui, contre vents et marées, tiendra jusqu’en 1942, malgré la con­currence des journaux de bandes américaines à partir de 1934.

Pierrot, qui, bien que daté du dimanche sortait le jeudi précédent dans les kiosques, démarre à 200.000 exemplaires. Lisette tiendra, elle aussi, jusqu’en 1942, et si Guignol mettra un genou à terre en se trans­formant en Jeunesse-magazine en 1937, on essaiera pourtant de concurrencer les journaux dits de l’âge d or sur leur propre terrain en créant Bilboquet le 6 février 1938 et en agran­dissant le format de Pierrot.

Les éditions de Montsouris à partir de 1940

Les mesures anti-juives, en 1940, frap­pent le président, M. May (qui a rejoint les For­ces françaises libres) avec, entre autres, con­fiscation de ses biens. Parmi eux, se trouvent ses actions du Petit Echo de la mode. La firme devient alors vulnérable parce qu’elle porte le nom du journal. On change donc de raison sociale et l’entreprise se nommera désormais «Editions de Montsouris».

Malgré la disparition de Lisette et de Pierrot en 1942, Le Petit Echo de la mode, durera jusqu’à l’été 1 944 et reprendra sa paru­tion dès Noël de la même année. Parallèle­ment, l’imprimerie a continué d’accroître son importance, grâce surtout, tout de suite après guerre, à un client important: Sélection du Reader’s Digest, mais aussi au tirage du Petit Echo de la mode qui va atteindre le chiffre record de 1.522.000 exemplaires en octobre 1950. L’imprimerie devient dès lors trop petite. Celle de Châtelaudren, dans les Côtes- du-Nord, acquise en 1922, se trouvant trop excentrée pour une diffusion nationale, en 1954, un terrain est acheté à Massy-Palaiseau où l’on bâtit une usine ultra-moderne d’impri­merie et de brochage qui est inaugurée en mai 1957.

A Massy, la création d’atelier de photo­gravure a lieu en 1960, puis M. Alain de Penanster, arrière-petit-fils du fondateur prend la direction de Lisette et Lisette-magazine.
Mais si le secteur imprimerie se porte encore bien, il n’en est pas de même de l’édition, sur­tout à partir de 1964. L’introduction de la publicité commerciale à la télévision qui tou­che un public familial détourne une partie des recettes d’annonce.

En 1969, le département de patrons et couture est vendu. Des licencie­ments suivent. Les éditions de Montsouris, qui employait 1.600 personnes, en remercie 450. Toutes les publications se retrouvent déficitaires en 1970, sauf Lisette, Lisette-magazine et Laines et aiguilles. Rustica est racheté par Dargaud, L’Echo de la mode et Mon ouvrage sont ven­dus à la société Unidé, Lisette est absorbée plus ou moins par Nade du groupe Bayard, puis par Mademoiselle Caroline du groupe Chapelle.

Le 12 juin 1 970, le siège social de la rue Gazan est abandonné et le terrain est vendu à un promoteur immobilier. Ce qui reste du département édition se replie provisoirement boulevard du Montparnasse, puis le siège social est fixé à Massy.

En 1971, après la chute de Télé-gadget, Montsouris licencie encore une centaine de personnes et les der­niers titres du département édition sont ven­dus.

Fin 1971, la Société Unidé acquiert 58% du capital et l’imprimerie de Châtelaudren devient indépendante en septembre 1972. Enfin, en 1976, un redressement financier se produit grâce au groupe Euroffset et une ère nouvelle commence.

Pour leur centenaire, en 1978, les Edi­tions de Montsouris, désormais uniquement imprimeurs, publient une luxueuse brochure où M. Alain de Penanster, journaliste à L’Express, retrace l’histoire de L’Echo de la mode.

Le premier client de Montsouris est d’ailleurs L’Express qui représente un peu plus du 1/5 du chiffre d’affaires de l’entreprise. Mais elle imprime aussi, entre autres, Télé­rama et Le Point.

Une pensée émue est demandée aux col­lectionneurs de Pierrot, Lisette ou Guignol lorsqu’ils se rendent au parc Montsouris en remontant l’avenue Reille. Avant d’entrer, qu’ils se retournent vers le n°1 de la rue Gazan. A droite de l’escalier qui descend vers la rue de l’Amiral Mouchez se dressait un bâtiment de trois étages surmonté d’une grosse pendule. En bas de l’escalier, des carrioles attelées attendaient où l’on pouvait lire en lettres blan­ches sur les bâches : Le Petit Echo de la mode – 10c le numéro. C’était en 1912. Offenstadt régnait en maître sur les illustrés pour enfants: mais les Editions du «Petit Echo de la mode» allaient, 8 ans plus tard, tenter une percée qui les porterait au second rang des éditeurs français de journaux pour enfants de la pre­mière génération de collectionneurs de bandes dessinées.

Michel Denni