Tartine Mariol, la mémé (presque) invulnérable..

Je partage...

Durant les années cinquante et soixante, les Italiens se montrèrent extrêmement créatifs dans le domaine de la bande dessinée populaire. Ils excellèrent surtout dans le western et l’humour. C’est d’ailleurs en Italie que les personnages de Walt Dis­ney ont eu le plus de succès. A un point tel que Mickey (qui s’y appelle «Topolino» c’est-à-dire «Souris») et ses amis ont vécu nombre d’aventures inédites qui, sous le crayon de dessinateurs aussi excellents que Bottaro ou Carpi, n’ont rien à envier aux histoires américaines.

En 1952, Renato Bianconi quitte les Éditions Alpe où il travaillait pour fonder sa propre maison. Grâce à Bottaro qui lui présente des dessinateurs comme Chierchini, il lance de nouveaux personnages humoristiques : Trottolino (Bimbo), Volpetto (Renardeau), Geppo (le bon diable à la cour de Satan), Papy Papero (inspiré de Donald Duck).

C’est Giulio Chierchini qui, en 1953, crée une grand-mère turbulente pour la revue Trottolino : Nonna Abelarda (littéralement : Grand-Mère Abélarde). A l’origine, il avait proposé Nonna Alabarda (Hallebarde). II s’inspire à la fois de la «Signora Carlomagno» de Jacovitti et de la mère de Li’l Abner.

C’est en décembre 1956 que Nonna Abelarda apparaît en France, à la Société Française de Presse Illustrée (S.F.P.I.). Le directeur, Jean Chapelle, décide de la dénommer Tartine Mariol en vue de se moquer implicitement de Martine Carol avec laquelle il était en mauvais termes! Pour com­mencer, Tartine est insérée simultanément dans deux petits formats :

* En bande principale dans Presto où elle fait la couverture des 12 numéros parus (de décembre 1956 à novembre 1957).

* En bande complémentaire dans Arc En Ciel (du n° 2 au n° 16), le plus luxueux pocket jamais lancé sur le mar­ché français, en couleurs et sur papier glacé. En fait, Arc En Ciel était publié par les Éditions de l’Occident, une filiale belge de Chapelle.

Très vite, ce personnage qui sort de l’ordinaire accroche les lecteurs (et les lectrices!) et la S.F.P.I. préfère saborder Presto pour allouer un titre spécifique à l’invulnérable grand-mère. Un nouveau petit format intitulé Tartine Mariol sort donc en décembre 1957. Au n°5, il devient simplement Tartine et il va connaître une étonnante car­rière, se prolongeant jusqu’en avril 1982 (448 numéros). Il sera flanqué d’un grand format : Festival Tartine (74 numéros, 1961 à 1973) et d’un mini-format : Tartinet (198 numéros, 1959 à 1970). Tartine a même eu les honneurs d’un latex en 1957.

Comme chez Disney, les différents personnages de Bian­coni se croisent. C’est ainsi que Tartine surgit pour la pre­mière fois dans une bande qui existait depuis 1952 : Vol­pato (Renardeau). Elle débarque un jour en vieux tacot avec armes et bagages chez un Renardeau tout joyeux de retrou­ver son ancienne gouvernante (Arc En Ciel n°4). Hélas, il va rapidement déchanter car Tartine est une véritable catas­trophe : sportive accomplie (elle gagne le championnat du monde de boxe!), aventurière acharnée, elle écrase son petit protégé sous un tempérament volcanique. Dans Arc En Ciel n°7, elle adopte un gamin qu’elle croyait pauvre et abandonné et qui est en réalité le roi de Fantasia : Toto Ier (Soldino : ce héros est créé par Carpi). Le jeune monarque a fui son pays car il ne voulait pas régner. Les récits de Tar­tine se scindent dès lors en deux catégories : ceux avec Renardeau et ceux avec Toto Ier.

Agée de 103 ans (elle vieillira peu à peu avec la série), cette mémé de choc au menton poilu est l’équivalent fémi­nin de Popeye, sauf qu’elle n’a nul besoin d’épinards pour s’affirmer. Sa force herculéenne ne connaît qu’une faille : un cor au pied gauche. Son talon d’Achille, en quelque sorte. Elle n’est d’ailleurs pas tout à fait invincible puisqu’elle prend une raclée dans Tartine n° 8. Mais elle sort victorieuse de la rencontre au sommet : Tartine contre Popeye! (Tartine n°30; Popeye, traduit de l’italien «Brac­cio di Ferro», devient «Bras d’acier»!).

Tartine a été créée par Giulio Chierchini mais c’est Giovan Battista Carpi qui lui a donné un meilleur aspect gra­phique et l’on peut presque parler d’une double création (quelques épisodes sont d’ailleurs cosignés). Mais ces deux auteurs, très pris par leur collaboration aux studios italiens de Walt Disney, ont laissé la place à d’autres dessinateurs. Déjà, dans Presto, certains épisodes étaient de Mario Sbattella (auteur de Diavolo corsaire de la Reine chez Aventures et Voyages). Mais ce sont surtout Nicola Del Principe puis Tiberio Colantuoni qui reprendront le personnage.

En 1989, à la demande d’un éditeur allemand, Carpi a créé une autre grand-mère indigne : Nonna Smeralda.